03 Mai Le Rapport Senard/Notat : de l’audace et de la raison
Un tandem pour une réflexion nécessaire, un tandem à l’image du futur, un tandem à vocation universelle !
Le 9 Mars dernier, était remis au Ministre de l’Economie, Mr Bruno Lemaire un rapport commandé par le gouvernement par Nicole Notat (ancienne Secrétaire de la CFDT et Présidente de Vigéo-Iris) et à Dominique Senard (Président du Groupe Michelin). Ces 2 auteurs ont été chargés d’analyser les relations entre l’entreprise et l’Intérêt Général, à l’aune de l’Intelligence décuplée et de la transformation numérique, afin d’éclairer la conception de la future Loi Pacte qui verra le jour prochainement.
Dans un contexte empreint d’une financiarisation grandissante de l’économie, d’un désengagement des jeunes à l’égard de la culture d’entreprise, d’un partage disproportionné de la richesse entre les actionnaires toujours plus gourmands et des salariés ayant perdu le sens de leur emploi, et partant de conditions de travail très dégradées, la réflexion est devenue urgente.
Pourtant, de nouveaux enjeux professionnels et environnementaux naissent qui doivent être accompagnés de règles sociales et sociétales plus égalitaires, plus respectueuses de tous les acteurs concernés.
L’entreprise reste bien sur le pilier de cette nouvelle économie; le creuset d’une responsabilité nouvelle, et le moteur d’un engagement renforcé des salariés au profit partagé de la croissance et de la compétitivité.
Certes, le Pacte Mondial de 1999 avait posé les éléments précurseurs des politiques de RSE.
Mais ce n’est plus suffisant pour aborder les mutations profondes de nos sociétés.
C’est pourquoi, le rapport préconise avant toute chose de redéfinir le statut même de l’entreprise autour de 2 objectifs qui seraient sanctuarisés par le Code Civil : sa profitabilité et sa raison d’être. Ce juste équilibre entre les attentes des parties dites « constituantes » et des parties « prenantes » permettrait de retrouver le nécessaire engagement des salariés au service de la stratégie de l’entreprise.
En amont des 14 propositions concrètes énoncées dans ce rapport. Il faut toutefois poser comme postulat de départ le fait que l’entreprise ne soit plus au seul service de ses actionnaires et associés du fait même que l’écosystème qui l’entoure se modifie fondamentalement et se mondialise. Il lui faut donc élargir le champ de ses intérêts et mobiliser tous les acteurs concernés.
Il faut dépasser la seule réécriture du Code Civil qui doit impérativement être actualisé et réaffirmer que l’entreprise n’est plus au seul service des porteurs de capitaux mais bien en collaboration avec ses salariés. Des lors, l’intégration systématique des critères de la RSE ne seront plus une contrainte mais plutôt une dynamique au service de la compétitivité, de l’innovation, de la richesse partagée.
L’entreprise deviendra alors plus attractive des lors que ses enjeux sociaux et environnementaux croissants auront su concilier les intérêts de toutes les parties prenantes et auront su les traduire dans les comportements. C’est ainsi qu’un focus sur les rémunérations variables liées aux critères RSE, ou la transparence des labels sectoriels RSE, par exemple, peuvent devenir des outils efficaces et pérennes ; tout comme la création de comités des parties prenantes que le rapport préconise.
De même, la proposition de renforcer le nombre d’administrateurs salariés dans le CA ou dans les conseils de surveillance de plus de 1000 salariés en fonction du nombre total d’administrateurs, déjà initiée par la loi LSE de 2013, confortée par la loi Rebsamen de 2015 ,est sans conteste la mesure la plus forte mais aussi la plus réalisable .
A ce jour, la représentation des administrateurs salariés au sein des conseils, des commissions ,des comités reste timorée(29%).
Et même si le rapport de 2016 du Haut Conseil de la gouvernance d’entreprise montre une très forte accélération ces 2 dernières années, les points de blocage sont encore ténus.
Le manque de formation économique et financière, la tension élevée de ces salariés partagé entre une obligation de confidentialité et leur loyauté syndicale, l’incompatibilité entre mandats et statuts, la non convergence si fréquente entre les intérêts de l’entreprise et ceux de ses salariés…sont autant de facteurs qui fragilise la gouvernance et la qualité du dialogue social .
Il est temps de réconcilier ces attentes car cette proposition du rapport, portera à terme, l’entreprise vers plus de compétitivité.
Mais plus d’attractivité aussi.
Redonner du sens au travail, une reconnaissance méritée et le respect mutuel des parties apportera croissance et bien-être. Et le rapport s’est attaché à ce juste équilibre et à la prise en compte des contraintes des uns et des aspirations des autres.
Plus que jamais, entreprises et salariés doivent consacrer l’idée que toute productivité s’améliore grâce à la mise en place systématique de ces propositions. Redonner des lettres de noblesse au dialogue social est d’autant plus utile que les récentes « ordonnances Macron », en affirmant la primauté des accords d’entreprise, redonne la main à ses acteurs.
Dans le rapport qui vient d’être présenté au monde économique et social, chaque proposition s’imbrique dans un tout pour concilier l’objectif du profit et l’engagement professionnel individuel ,avec modernité et dans le respect des étapes à franchir.
Au coeur de la future Loi Pacte, ce rapport devrait figurer en bonne place pour participer au progrès , construire l’avenir et faire avancer l’histoire de la démocratie sociale.
Marie-Françoise Leflon
Membre du conseil d’administration de Démocratie Vivante
Ex-secrétaire générale de la CFE-CGC
Ex-présidente de l’Apec
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