Contribution de Démocratie Vivante au rapport Senard/Notat - Démocratie Vivante
Démocratie Vivante est un think tank de gauche oeuvrant pour que le quinquennat d’Emmanuel Macron contribue au progrès social
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Contribution de Démocratie Vivante au rapport Senard/Notat

Contribution de Démocratie Vivante au rapport Senard/Notat

Dans le cadre du rapport Senard/Notat sur la relation entreprises / intérêt général qui a été remis le mois dernier au gouvernement, Démocratie Vivante a été auditionnée et a pu contribuer par ses propositions. Ci-dessous le lien vers le rapport Senard/Notat.

https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2018/entreprise_objet_interet_collectif.pdf

Vous pouvez retrouver ci-dessous notre contribution.

 

Chère Madame, Cher Monsieur,

Nous vous remercions de nous consulter dans le cadre de la mission sur la relation entre l’entreprise et l’intérêt général que vous ont confiée le Ministre de la Transition écologique et solidaire, la Ministre de la Justice, le Ministre de l’Économie et des Finances et la Ministre du Travail.

1. Nous sommes favorables à une codétermination à la française

Les dérives de la maximisation du profit par les entreprises : fermetures de sites rentables, externalisation d’activités de l’entreprise en vue de diminuer le coût du travail et d’augmenter les profits, focalisation exclusive sur la création de valeur actionnariale, stratégies d’optimisations fiscales et sociales, prolifération des externalités négatives dénoncées par une partie des patrons eux-mêmes etc. ont amené les contributeurs du pôle Emploi-Travail-Entreprise de Démocratie Vivante piloté par Aude de Castet et Jacky Bontems à proposer des solutions qui permettent une transformation profonde du capitalisme pour aller vers plus de responsabilité des différents acteurs et en premier lieu, l’entreprise en y permettant plus de démocratie par la mise en place d’une véritable codétermination à la française.

Dans cette vision ambitieuse de la définition de l’entreprise, de sa (ses) mission(s) et d’une nouvelle gouvernance, la question de la place des salariés nous semble primordiale. Les salariés constituent la première partie prenante de l’entreprise, ce qui leur donnent la légitimité de revendiquer le droit à participer, entre autres sujets, à la décision sur le partage équitable de la richesse produite, mais aussi et surtout, au partage du pouvoir. Depuis le 14 juin 2013, avec l’entrée des salariés au conseil d’administration introduite par la loi sur la sécurisation de l’emploi, et le 17 août 2015 avec la loi dite Rebsamen venue renforcer le dispositif, les administrateurs salariés constituent désormais une force de plus de 600 salariés en France qui va croître dans les deux prochaines années. D’autres étapes ont été franchies avec notamment la loi de 2014 sur l’Economie Sociale et Solidaire ainsi que le renforcement de l’actionnariat de long terme par la généralisation des droits de vote double dans les sociétés cotées. Mais, nous pensons à présent qu’il faudrait aller plus loin : plusieurs confédérations syndicales le demandent, les investisseurs socialement responsables sont mobilisés et des chefs d’entreprise de plus en plus nombreux partagent ce combat. Ces demandent trouvent un vif écho dans les combats actuels contre le dumping social, environnemental et fiscal. Cette nouvelle donne destinée à faire avancer la démocratie en entreprise n’est certes pas encore à la hauteur de l’enjeu et la rénovation de l’entreprise qui s’annonce et que nous appelons de nos voeux est d’abord un combat idéologique.

Démocratie Vivante, dans le cadre de son livre blanc Protéger mieux pour travailler mieux adressé au président de la République, Emmanuel Macron, et publié en décembre 2017 propose de :

  • Placer les salariés au coeur de l’entreprise. La première phase d’une nouvelle définition de l’entreprise concerne les principes de gouvernance, et en particulier le rôle, les droits et les devoirs de ses parties prenantes en incluant une redéfinition des pouvoirs qui leur sont dévolus, leurs contrepouvoirs et leur représentation au sein de l’entreprise. L’accueil de représentants des salariés avec droit de vote a constitué une avancée très importante, mais il est essentiel d’aller plus loin pour qu’à terme, soient représentés dans cette enceinte tous les intérêts à l’oeuvre dans ce vaste carrefour de parties prenantes que constitue chaque entreprise et donc d’étendre le périmètre du dialogue social.

Il est donc primordial, dans cette novation, de rappeler la juste place que doivent occuper les salariés : la partie constituante de l’entreprise. Certes une grande diversité de parties prenantes contribue à l’activité de l’entreprise (salariés, dirigeants, fournisseurs, clients, collectivités territoriales, etc.). Mais les salariés sont ceux qui produisent le travail et par conséquence ont la légitimité à partager le pouvoir. Les salariés constituent une partie constituante de l’entreprise. Ils ne peuvent donc être mis au même niveau que les autres parties prenantes moins impliquées dans l’activité de l’entreprise.

  • Réorganiser un dialogue social au plus près de son territoire. S’adapter aux frontières de l’ « l’entreprise étendue » implique de repenser le dialogue social réorganisé autour de l’expression et de la représentation des intérêts des salariés sur son territoire : bassin d’emploi, site de production, pôle de compétitivité, etc. pour établir un ancrage plus fort de l’entreprise dans son écosystème territorial, notamment, sur les champs prospectifs de la gestion prévisionnelle des emplois, de l’investissement public dans les infrastructures économiques ainsi que du pacte fiscal et réglementaire. Le développement de la sous-traitance floute les frontières de l’entreprise au niveau de l’activité économique qui implique souvent un collectif de travail, ce qui nécessite de changer d’échelle et suppose de créer des pratiques nouvelles, avec notamment l’animation du dialogue social dans des réseaux de sous-traitants ou de franchises, par exemple, et d’impliquer de nouveaux acteurs du dialogue social au niveau le plus pertinent (délégué de site, «CHSCT» interentreprises, etc.).
  • Mieux articuler l’instance représentative du personnel (CSE) et les administrateurs salariés. Le malaise de l’administrateur salarié est palpable. Pris entre deux feux — celui des administrateurs et du conseil d’administration, suspicieux quant à sa capacité à maintenir la confidentialité des informations, et celui des salariés, méfiants quant à son intégrité et à sa légitimité de la défense de leurs intérêts, l’administrateur salarié parle souvent de grande « solitude », et même, d’une forme de « syndrome de Stockholm ». Il lui est difficile de rompre le consensus de ces assemblées d’administrateurs où le vote est l’exception, et l’unanimité la règle. Le risque est de devenir, par défaut d’espace d’expression et de propositions, un responsable syndical là où il doit être un acteur de l’intérêt général de l’entreprise, un aiguillon. Nous sommes favorables au maintien de l’interdiction du cumul des mandats d’administrateur et de mandats syndicaux ou de délégués du personnel car c’est la condition nécessaire pour que les administrateurs salariés fassent bouger les lignes de la gouvernance interne des entreprises, et participent à leur transition démocratique. La confusion avec la défense d’intérêts catégoriels, réelle ou supposée, serait prétexte à l’immobilisme et au maintien des conservatismes actuels. En revanche, les conditions dans lesquelles les administrateurs salariés rendent compte à leurs mandants doivent faire l’objet d’un règlement précis et validé par le conseil d’administration. C’est aujourd’hui un des principaux sujets de controverses au sein des entreprises.
  • Mettre en place une véritable codéterminationl représentants du personnel/employeurs sur des sujets tels que l’utilisation des aides publiques, la politique des compétences, (la rémunération) etc… Si la présence de représentants des salariés en conseil d’administration permet de porter les intérêts du long terme, leur reconnaissance en tant qu’acteurs de la pérennité de l’entreprise doit encore être valorisée, promue et renforcée. Il serait cependant bien naïf de penser que les représentants salariés sont associés aux décisions les plus sensibles. Non seulement, ils ne sont pas toujours représentés dans tous les comités (notamment celui des nominations quand il est distinct de celui des rémunérations), mais les réunions entre présidents des comités et le Président Directeur Général, comme les réunions informelles, se tiennent hors leur présence.
  • Doubler le nombre d’administrateurs-salariés (de 1 à 2 et de 2 à 4 selon la taille des entreprises)2. Cela aurait un double mérite : briser la solitude là où l’administrateur salarié est unique et, dans les plus grandes entreprises, créer un vrai pouvoir d’influence. Cette augmentation du nombre d’administrateurs-salariés évitera leur dilution dans le cadre de l’ouverture éventuelle des conseils à d’autres parties prenantes (représentants des clients, des territoires, des fournisseurs, etc.). Eviter la solitude des administrateurs salariés est un enjeu qui concerne les organisations syndicales et les autres parties prenantes.
  • Construire de la durabilité autour d’administrateurs engagés et des actionnaires de long terme’. La lutte de 2016 au sein des entreprises pour faire respecter le droit de vote double pour les actionnaires de long terme a montré que l’ennemi de l’entreprise durable n’était pas la finance, mais la spéculation de court terme. Les conflits qui se préparent au sein de la gouvernance d’entreprise opposeront ceux qui veulent prendre des engagements financiers de court terme à ceux qui respecteront le temps nécessaire à la maturation des projets dans un contexte de transition et de transformation du rapport entre l’entreprise et la société. Un regard sur ce que font les autres pays européens est essentiel. Il ne s’agit sans doute pas de copier le modèle allemand qui ne fonctionne d’ailleurs que parce qu’il y a distinction entre direction et surveillance (les représentants des salariés n’étant présents que dans les organes de surveillance), mais de construire un nouveau modèle de gouvernance soutenu par une vision plus multi-acteurs, plus responsable sur le plan social et environnemental, mais aussi plus territoriale, plus « écosystémique ».
  • L’introduction des parties prenantes dans des comités consultatifs. Comme indiqué ci-dessus, nous faisons une distinction entre les salariés qui sont pour nous des parties constituantes de l’entreprise, des autres parties prenantes. Ces dernières, comme les fournisseurs ou les clients, par exemple, n’ont pas pour nous vocation à faire partie du conseil d’administration. En revanche, elles pourraient faire partie de comités consultatifs au service du conseil d’administration sur des sujets comme la politique commerciale, les relations avec les sous-traitants, le développement durable, etc.
  • Mettre en place un droit nouveau de l’Entreprise. Le Code Civil définit dans ses articles 1832 et 1833 la « société » et ne se concentre que sur les associés, sans aucune référence ni aux salariés, ni aux autres parties prenantes (clients, fournisseurs, banquiers, territoire, etc.), de facto, ne rendant compte ni de la réalité de l’entreprise, ni de la recherche d’objectifs autres que le profit.

La volonté de promouvoir l’existence d’un « droit de l’entreprise » pourrait pour certains paraître secondaire voire irréaliste, mais en fait sa définition soulève des questions majeures et profondes : celles de la propriété et de la mission de la société, du statut du dirigeant et de la responsabilité de l’entreprise dans la Société.

L’idée ne date pas d’hier. Mais, elle se heurte à de fortes résistances, notamment parce qu’elle relativise la légitimité du capital et des actionnaires.

En l’état, le vide juridique pose notre pays dans un anachronisme surprenant à un moment où se développent dans de nombreux pays, de nouveaux statuts juridiques pour les entreprises qui souhaitent intégrer à leurs « missions » des objectifs sociétaux et environnementaux pour mettre leur performance financière au service d’une mission cohérente avec leurs valeurs, dépassant ainsi la frontière traditionnelle entre lucratif du non-lucratif.. Le contexte de régulation croissante des entreprises tend de plus en plus à l’obligation de transparence de la performance sociale et environnementale de l’entreprise que renforce en 2017 la transcription de la directive européenne de 2014, et à l’élargissement de leur chaine de responsabilité (devoir de vigilance à l’égard des fournisseurs). C’est un mouvement de fond.

À quoi pourrait ressembler ce droit nouveau de l’entreprise ?

En premier lieu, ce nouveau droit permettrait une révision et un élargissement des objectifs de l’entreprise en modifiant les article 1832 et 1833 du Code Civil4 — « la société est instituée 1.4 en vue de poursuivre un projet d’entreprise qui respecte l’intérêt général, financé au moyen du profit » — et « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés en tenant compte des intérêts de différentes parties prenantes », de telle sorte que l’entreprise soit reconnue comme étant au service de toutes ses parties prenantes et que sa finalité ne se cantonne plus à la seule quête du profit. En faisant ainsi évoluer les objectifs de l’entreprise, c’est une nouvelle définition de la performance qui émergerait, non plus exclusivement économique, mais bien sociale, sociétale et environnementale.

Face à certaines craintes de voir entrer de manière trop intrusive le législateur dans l’entreprise en entrainant un risque de multiplication des recours judiciaires et d’intervention du juge dans la vie de la société, une modification conjointe du Code du commerce pourrait être alors de redéfinir, non pas l’objet du contrat de société, mais de transcrire dans la loi l’obligation pour les dirigeants des sociétés anonymes, non plus seulement de publier des informations sur les conséquences de leurs activités sur les parties prenantes, mais de prendre en compte dans leurs orientations l’intérêt des parties prenantes. Cette modification permettrait de « verrouiller » les décisions au niveau du conseil d’administrations et de laisser « à l’écart » le juge, la jurisprudence s’étant toujours astreinte à un principe de non-immixtion qui lui interdit de décider à la place des dirigeants et des associés.

L’article L 225-35 du Code de commerce qui précise les pouvoirs du conseil d’administration des sociétés anonymes pourrait être complété en ce sens.

Actuellement, cet article dispose que « Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en oeuvre. ». Cet article pourrait être modifié comme suit : « Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en oeuvre en s’assurant qu’il est bien tenu compte des intérêts des tiers prenant part, en qualité de salariés, de fournisseurs, de clients ou à un autre titre, au développement de l’entreprise. »

Le rapport que le président du conseil d’administration des sociétés cotées doit établir, en application de l’article L225-37 du Code commerce serait complété en conséquence. L’avant-dernier alinéa de cet article pourrait être rédigé ainsi :

« Ce rapport précise enfin les mesures prises pour tenir compte des intérêts des tiers prenant part, en qualité de salariés, de fournisseurs, de clients ou à un autre titre, au développement de l’entreprise. »

On sent bien que pour de nombreux juristes modifier le Code civil constitue un acte peut-être au moins aussi important, si ce n’est plus, qu’une modification de la Constitution. Le Code civil a été élaboré essentiellement au cours du XXème siècle et tout notre droit, du moins notre droit patrimonial, en découle. De nombreux juristes craignent qu’en bougeant une pierre tout l’édifice s’écroule.

A ce stade, il nous semble cependant opportun de rappeler que ces modifications tendant à tenir compte des intérêts des salariés et des parties prenantes (et non à agir dans leur intérêt, la nuance est importante) n’autoriseraient pas le juge à apprécier l’opportunité de la gestion de l’entreprise qui par cette redéfinition du Code du commerce serait laissée à l’appréciation du conseil d’administration.

Par cette définition d’un droit nouveau de l’entreprise, la recherche du profit resterait au coeur du contrat de société, mais cette recherche du profit devrait respecter l’intérêt général. La société resterait constituée dans l’intérêt des associés, ce qui assurerait la sécurité juridique, comme développé ci-dessus, mais elle devrait aussi tenir compte des intérêts des salariés et des différentes parties prenantes. Avec ce changement d’objet du contrat de société est affirmé le fait que, si l’entreprise doit créer en priorité du profit pour ses associés, elle doit aussi participer à la création de la valeur économique, sociale et environnementale ; elle doit participer à créer de la richesse pour tous les groupes sociaux : les salariés, les clients, les fournisseurs… Comme disent les Anglo-saxons, il s’agit de prendre en compte l’ensemble des stakeholders et non les seuls shareholders.

 

 2. Un élargissement des intérêts pris en compte par l’entreprise préserverait l’attractivité de notre droit car nos principaux voisins l’ont déjà fait

L’élargissement de l’objet de l’entreprise à l’intérêt général et aux parties prenantes que nous soutenons existe déjà dans certains pays voisins.

À titre d’exemple, la section 172 du Companies Act 2006 (texte applicable à toutes les sociétés de droit anglais, cotées ou non cotées) fait obligation aux dirigeants d’agir dans l’intérêt de la société dans son ensemble en tenant compte notamment des intérêts des salariés et d’autres parties prenantes. La disposition introduite en 2006 n’a, de l’avis des praticiens anglais, pas donné lieu à des contentieux, en tout état de cause, pas du tout de manière notable. Cette section est perçue par les observateurs comme permissive pour les dirigeants qui se voient ainsi offrir des moyens d’actions étendues et un fondement juridique pour résister aux pressions à court-terme que certains investisseurs peuvent faire peser sur le projet d’entreprise.

En Allemagne, l’obligation des dirigeants se rapporte aux seuls intérêts de la société. Cela inclut bien évidemment les intérêts des actionnaires, mais aussi ceux des parties prenantes et l’intérêt général. Il y a donc une obligation indirecte d’agir dans l’intérêt de toutes les parties prenantes. En d’autres termes, l’accent est mis sur l’intérêt de la société elle-même. La direction d’une société allemande a donc l’obligation d’analyser les impacts sur l’ensemble des parties prenantes et bénéficie de son droit d’arbitrage. Sauf en cas de violation du droit spécifique de la part de tiers, seule la société peut agir contre la direction d’une société et la Cour fédérale allemande de droit civil a jugé en 1997 qu’il était du devoir d’un Conseil de Surveillance d’agir contre la direction si celle-ci avait violé ses devoirs. Il n’y a donc pas non plus d’inflation de recours judiciaires par des tiers.

Nous voyons donc que les modifications proposées ne réduiraient pas l’attractivité de notre cadre juridique, puisque nos deux principaux voisins, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont déjà adapté leur droit en ce sens.

 

3. Les démarches de RSE actuelles obligent les entreprises à communiquer les conséquences sociales, sociétales et environnementales de leurs activités

Ainsi le Code AFEP MEDEF, qui constitue du droit souple applicable aux société cotées, recommande que le conseil d’administration soit informé de l’évolution des marchés, de l’environnement concurrentiel et des principaux enjeux, y compris dans le domaine de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) de la société et que le conseil veille à ce que les actionnaires et les investisseurs reçoivent une information pertinente, équilibrée et pédagogique sur la stratégie, le modèle de développement, la prise en compte des enjeux extra-financiers significatifs pour la société ainsi que sur ses perspectives à long terme.

L’article L225-102-1 du Code de commerce, dans sa version antérieure à juillet 2017, imposait aux sociétés d’inclure dans leur rapport de gestion annuel, qui est public, des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité, ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable.

Les sociétés doivent donc communiquer de manière importante sur les enjeux RSE, ce qui les oblige, sinon à changer de politique, du moins à faire attention aux conséquences de leurs décisions.

La transcription en juillet 2017 d’une directive européenne de 2014 a rendu ses obligations de communication plus précises en modifiant en conséquence l’article L225-101-1 du Code de commerce visé ci-dessus, qui indique désormais que le rapport de gestion des grandes entreprises doit comprendre une déclaration de performance extra-financière.

« La déclaration comprend notamment des informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l’activité de la société et de l’usage des biens et services qu’elle produit, à ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l’économie circulaire et de la lutte contre le gaspillage alimentaire, aux accords collectifs conclus dans l’entreprise et à leurs impacts sur la performance économique de l’entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés et aux actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités. »

Il est intéressant de noter que « Pour les sociétés dont le total du bilan ou le chiffre d’affaires et le nombre de salariés excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d’Etat, le cas échéant sur une base consolidée, les informations figurant dans les déclarations mentionnées au I et au II font l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. Cette vérification donne lieu à un avis qui est transmis aux actionnaires en même temps que le rapport ».

Indiscutablement ces obligations en matière de RSE vont dans la bonne direction et sensibilisent les entreprises aux conséquences de leurs activités sur leurs salariés ou sur les différentes parties prenantes.

Mais, pour autant, il s’agit seulement d’obligations de « reporting » et de communication, et non d’obligations de faire. Les entreprises n’ont aucune obligation d’intégrer la RSE dans la détermination de leur politique.

 

4. Les actions de RSE se heurtent aux impératifs de rentabilité

A titre d’exemple, le baromètre 2015 des Enjeux RSE Malakoff-Médéric/Produrable indiquait que 44% des professionnels de la RSE disent que le principal obstacle à leur positionnement interne est le manque de visibilité du retour sur investissement des actions de RSE.

28% seulement des professionnels de la RSE disent que le changement climatique est une priorité pour leur top management. Les entreprises de plus d’un milliard de chiffre d’affaires reconnaissent moins d’engagement de leur top management que les entreprises de taille intermédiaire.

L’organisation capitalistique de l’entreprise est perçue comme un frein dans les préoccupations du développement durable. « Bien souvent le problème réside dans le niveau de rentabilité exigé à court terme par les actionnaires qui détourne forcément sur le long terme l’entreprise de son enjeu social et sociétal. La question se pose de quel doit être le rôle de l’entreprise dans la société d’aujourd’hui. Quel est son sens ? Aussi je pense qu’il faut que la RSE soit inclue dans l’objet social de l’organisation. » a ainsi souligné Franck Lachaize, Directeur Général de Triodos Finance.

Cette désuétude du droit français est particulièrement flagrante dans un contexte de régulation croissante des entreprises, qui tend à l’obligation de transparence de leur performance sociale et environnementale que renforce en 2017 la transcription de la directive européenne de 2014, et à l’élargissement de leur chaîne de responsabilité (devoir de vigilance à l’égard des fournisseurs, etc.).

 

5. Les fondations actionnaires ou les entreprises de missions ne constituent pas des solutions de substitution

  • Les fondations actionnaires de la société permettent d’affecter à un objectif d’intérêt général, poursuivi par la Fondation, une partie importante des dividendes distribués par la société. C’est un moyen de financer des actions d’intérêt général.

C’est une pratique que l’on rencontre dans les pays anglo-saxons ou en Allemagne.

En France, cela est très peu pratiqué. On cite toujours la Fondation Pierre Fabre, qui constitue un cas quasi unique. Cela s’explique par la lourdeur de la constitution et de la gestion d’une Fondation en France. Il conviendrait donc de revoir le régime des Fondations, mais une telle démarche nous paraît dépasser de loin le cadre de la mission sur la relation entre l’entreprise et l’intérêt général.

Par ailleurs, il faut préciser que la Fondation actionnaire constitue un moyen de financement des Fondations, mais n’a pas d’impact sur l’objet même de la société. Ce n’est donc pas une solution alternative à la modification de l’objet social de l’entreprise.

De plus, il faut avoir à l’esprit que la constitution d’une Fondation actionnaire répond généralement en priorité à une volonté de figer l’actionnariat de la société. C’est une outil anti OPA, surtout utilisé par les actionnariats familiaux.

  • Le concept d’entreprise de mission consiste à créer un type de société à statut particulier permettant de réconcilier recherche du profit et intérêt général.

Dans cet esprit, il a été proposé de créer le statut de SOSE, société à objet social étendu, sur le modèle de ce qui existe aux Etats-Unis. Il s’agit exactement de la même idée que celle consistant à élargir l’objet social, mais avec une différence essentielle : au lieu de s’appliquer obligatoirement à toutes les sociétés, l’élargissement de l’objet social serait optionnel et ne s’appliquerait qu’aux SOSE.

Nous ne sommes bien évidemment pas opposés à la création des SOSE, mais cela ne correspond pas à notre objectif qui est d’élargir l’objet social des entreprises, en tout cas de toutes les plus grandes, à l’intérêt général, à l’intérêt des parties prenantes, et notamment à celui des salariés.

 

Nous vous remercions, Chère Madame, Cher Monsieur, de nous avoir consultés et vous prions de recevoir l’expression de notre considération distinguée.

 

Jacky Bontems et Aude Castet

Co-directeurs du Pôle Emploi-Travail-Entreprise de Démocratie Vivante

Coauteurs du livre blanc de Démocratie Vivante Protéger mieux pour Travailler mieux

 

Dominique Villemot

Président de Démocratie Vivante

 

Rodrigue Tchouale

Secrétaire général de Démocratie Vivante

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